ALLEGER SA CHARGE MENTALE
La notion de charge mentale est un sujet connu et étudié depuis plus d’une vingtaine d’années ; force est de constater qu’il revient au devant de la scène ces derniers temps. Doit-on y voir un lien avec la fatigue ambiante du moment? Ou le besoin de prendre soin de soi?
Ce regain d’intérêt peut tout à fait se comprendre, il correspond à un sujet fort du moment. Avec nos journées ultra chargées, nos habitudes de vivre en multi-tâches, l’hyper-sollicitation constante et l’existence du déséquilibre de la répartition des tâches dans bon nombre de foyers ; réfléchir à sa propre situation sur le sujet semble être devenu un incontournable!
Cet article a pour objectif de vous permettre de comprendre les notions de charge et surcharge mentale, de reconnaitre les signes de surchauffe et d’explorer quelques pistes pour vous protéger des excès.
La charge mentale, c’est quoi exactement?
Il existe plusieurs définitions de la charge mentale selon l’angle d’approche du sujet. En effet, il s’agit une notion qui peut se retrouver dans le champs de la pédagogie où il y aura un focus sur les capacités de traitement de l’information pour favoriser les apprentissages, en ergonomie également et dans ce cadre, c’est adapté plus spécifiquement au monde du travail. Pour notre part, dans cet article, nous allons aborder la charge mentale de tous les jours, celle qui nous suit tout au long de la journée, celle que nous vivons au quotidien.
En ce qui concerne ces aspects là de la charge mentale, la 1ere à s’être intéressée au sujet s’appelle Monique Haicault. Monique Haicault est sociologue et elle a fait des recherches notamment sur la double journée des femmes, en mettant au-devant de la scène le binôme bien connu vie perso/pro mais en mettant l’accent sur un effort invisible mais ô combien énorme qui est celui de devoir penser à tout, penser simultanément à une multitude de choses tout au long de la journée.
A l’époque, elle publie un article phare en 1984 ; qui s’appelle « La gestion ordinaire de la vie en deux ». Ca fait du bruit sur le moment, l’article génère des prises de conscience mais finalement, il y a l’effet du soufflé au fromage, le sujet monte en flèche et redescend rapidement jusqu’à ce que plus personne ne s’y intéresse.
Ensuite, ce phénomène est remis au-devant de la scène grâce à Emma et ses Bd sur la vie des femmes. Elle pose en images ce que vivent beaucoup de femmes dans leur quotidien, de manière drôle ou piquante. Le gros succès de ces BD, la mise en avant dans les magazines, remet clairement le sujet sur la table. Pour vous re-situer dans le temps, nous sommes en 2017, lorsqu’elle publie sa 1ère BD sur le sujet.
La notion de surcharge mentale a été ainsi mise en lumière par le déséquilibre de la répartition des tâches domestiques touchant majoritairement les femmes, même si les hommes aussi sont touchés (mais quand même beaucoup moins).
Pour définir le concept facilement, nous pourrions dire en gros, que la charge mentale c’est être en train de faire quelque chose (donc nous sommes dans un endroit précis) et même temps être sollicité pour des choses qui se passent ailleurs ou qui vont se passer plus tard et qu’il faut gérer aussi.
Il s’agit de ma capacité à avoir à l’esprit plein de choses, à me projeter dans toutes les choses que j’ai à faire, en plus, de ce que je suis entrain de faire actuellement.
Imaginons, pendant je suis au travail, je suis occupé(e) entrain de faire un dossier par exemple et là je me souviens qu’il faudra que j’appelle tel collègue pour lui rappeler d’envoyer le dossier truc, mais qu’aussi je dois débaucher plus tôt car je dois emmener pipo mon chien chez le véto et qu’après je n’ai rien prévu à manger donc il faut je fasse un saut au supermarché et de ce fait je me demande ce que nous allons manger ce soir etc etc..
Vous avez bien compris là, ce dont nous parlons, certains se reconnaitrons c’est sûr !
Extrait de la BD d’Emma | Fallait demander
Alors, petite précision quand même, quand nous parlons de charge mentale, nous ne parlons pas pas de charge de travail, ce sont vraiment deux choses différentes à ne pas confondre.
Je peux très bien être en surchauffe mentale et travailler à mi-temps. La charge mentale est vraiment liée à tout ce dont j’ai à penser, aux décisions que je dois prendre, à toutes les informations que j’ai à traiter en même temps.
Et plus j’ai de plans sur lesquels que je dois focaliser mon attention, plus ces plans sont complexes, plus ma cognition va être occupée à traiter tout ça et plus cela va me demander d’énergie.
Au niveau cognitif, ça se passe comment?
Du point de vue de la surcharge cognitive, le cerveau a une capacité de traitement de l’information et de la mémoire limitée et c’est un épuisement pour lui d’être en suractivité, de passer d’une tâche à une autre, cela lui demande un effort d’adaptation important et donc ça puise dans les ressources.
A force, c’est perçu comme un agent stresseur de devoir constamment tout gérer, d’autant plus si les informations à traiter sont complexes. Nos capacités ont des limites, c’est naturel, c’est ainsi ; et vouloir pousser le cerveau à son maximum est une mauvaise idée, le corps lui n’aime pas ça mais pas ça du tout. Il aime être en capacité optimale, en vitesse de croisière en gros mais pas en capacité maximale.
Nous avons des capacités cognitives, ou intellectuelles si vous préférez, qui sont limitées, notre cerveau est un système de transmission et de traitement de l’information qui ne peut pas étendre sa mémoire à l’infini et traiter simultanément des données comme le ferait un ordinateur. Nous ne sommes pas des machines et maintenir en mémoire toutes ces informations, plus en apprendre des nouvelles et faire en même temps quelque chose et bien c’est trop!
Lorsque notre attention est sur-stimulée, que nous devons prendre une multitude de décisions et en plus retenir beaucoup d’informations, nos capacités cognitives sont dépassées et c’est la surcharge, c’est la surchauffe comme pour un appareil électrique.
Reconnaitre les signes de la surcharge mentale
Alors, ok maintenant nous avons compris tout ça mais comment savoir si je suis en surchauffe ou pas ?
Il y a différents signaux qui se mettent en action pour vous permettre de repérer ce phénomène.
La 1ère chose à faire est de se poser la question et évaluer sa propre situation.
Vous pouvez retrouver d’ailleurs des questionnaires pour vous y aider. Mais vous pouvez essayer de remarquer déjà si :
- vous faites souvent plusieurs choses à la fois,
- vous vous dites souvent que les journée sont trop courtes ?
- vous devez au quotidien parer au plus urgent tellement vous avez de choses à penser ou à faire ?
- vous avez l’impression que votre tête déborde ?
- votre to do list déborde de rappel de choses à faire ?
- vous avez l’impression de ne rien gérer et vous avez du mal à planifier des choses pour la semaine prochaine tellement vous avez déjà plein de choses dans la tête ?
- vous avez l’impression d’avoir beaucoup d’obligations et de contraintes, que c’est votre quotidien ?
- vous avez l’impression de ne pas arriver à décompresser, à vous déconnecter ?
> Si vous vous reconnaissez sur la plupart de ces questions, c’est que oui, votre cerveau est en ébullition !
Alors, pas de panique, je sais que comprendre tout ça parfois met un coup au moral, c’est la prise de conscience, parfois ça choque. Mais dites-vous que c’est formidable parce que le changement passe d’abord par la prise de conscience. Et il existe multitude de petites choses à mettre en place pour pouvoir alléger tout ça.
Chaque situation est unique et votre vie à ses propres particularités donc à vous de voir comment changer certaines choses. Vous vous êtes habitué(e) à cette vie, pour vous c’est la normalité et c’est ainsi, mais non en fait, c’est vous qui êtes à la barre du navire et qui pouvez décider des choses.
Donc, posez-vous, prenez un crayon et un carnet et dans un premier temps écrivez ce que vous ressentez de cette situation.
Libérez vos émotions sur le sujet : vous ressentez quoi ? Vous vous sentez fatigué(e) ? Est-ce que vous vous sentez indispensable ? Frustré(e) ? En colère ?
Notez votre ressenti et voyez en face ce que ça vous fait à l’intérieur en termes d’émotions.
Dites-vous bien, que ce n’est la faute de personne, ça s’est installé comme ça au fil du temps et c’est ok, c’est ainsi, vous le constatez point, c’est comme ça.Faites le lien ensuite avec vos besoins :
Par exemple, je me sens fatigué(e), c’est que j’ai besoin de me reposer.
Je me sens en colère, j’ai besoin d’être reconnu(e) et soutenu(e) dans cette situation.
Je me sens frustré(e), j’ai peut-être besoin de me faire plaisir etc…Elargissez votre réflexion, à vos attentes et à ce que vous voulez vraiment pour votre quotidien. Et gardez les de coté comme des petits objectifs que vous aimeriez atteindre.
Ensuite, faites une liste de ce qui encombre votre tête, notez en mode bullet list, pendant 2 ou 3 jours, toutes les choses que vous devez anticiper, gérer au quotidien, les choses auxquelles vous devez toujours penser.
Vous aurez une idée assez réaliste de ce qui encombre vos pensées, que ce soit pro ou perso peu importe, notez les.Une fois la liste établie, réfléchissez à leur importance, fixez vos vraies priorités et prenez l’habitude d’agir par priorité. Certaines choses ne sont pas faites, et bien tant pis, c’est ça ou votre bien-être.
Les choses non indispensables ou qui ne vous font pas plaisir, réfléchissez vraiment à pourquoi elles sont dans votre liste.Une fois ces choses identifiées, voyez comment vous pouvez faire pour mettre en place des solutions pour les sortir de votre tête.
Par exemple, passez aux rappels automatiques sur votre téléphone ou investissez dans un agenda papier ou un carnet où vous avez assez de place pour tout noter.
L’idée là, est d’agir sur votre peur d’oublier quelque chose et aussi de décharger votre mémoire. C’est noté, le rappel va sonner, ça gère c’est bon, je me détends…
Revoyez régulièrement en notant vos rappels ou vos choses à faire si c’est important, urgent, nécessaire ? Essayez d’alléger tout ce que vous pouvez.
Les to do lists à rallonge ne sont jamais une bonne idée, c’est l’overdose et en plus comme il y a toujours des imprévus qui se rajoutent et vous finissez forcément dans le rouge.
Certains s’organisent par bloc aussi, pour certains cela fonctionne très bien. Par exemple, le ménage se fait en un bloc le mercredi et le dimanche, ou au travail je me fais de plages horaires par blocs de travail et je prévois mes pauses. Ca peut aussi donner un petit coté rituel ou routines qui fixe un cadre un peu rassurant.
Il est certain ce que penser à son organisation et à la quantité de choses que l’on veut faire est une question centrale pour alléger sa charge mentale. C’est une vraie réflexion, qui conduira à faire des essais et à ajuster les solutions et reposer les choses et réfléchir, faire le tri, trouver des moyens de se sortir les choses de la tête et comment faire autrement. C’est là le début du changement de vos habitudes.
Se protéger
Ensuite, réfléchissez également à comment vous protéger du tumulte de la vie.
Par exemple, réfléchissez à l’usage que vous faites d’internet et de votre smartphone.
Le téléphone, autant est un outil formidable, autant il peut vous polluer le quotidien énormément. Notamment les notifications, lorsqu’un mail apparait, une nouvelle, un message, on peut recevoir des notifications pour tout est rien et à chaque fois cela vous interrompt, peu importe ou vous êtes et ce que vous faites, même pendant que vous dormez parfois.
Alors, mettre les notifications en sourdines, ne pas sauter sur son téléphone à chaque alerte c’est déjà en soi une stimulation souvent inutile en moins.
Pour ce qui concerne le téléphone et internet, savez-vous combien de temps vous passez à vous perdre sur les réseaux sociaux ou sur internet ?
On a l’impression de se détendre et puis 1 heure est passée, en fait on a perdu 1 heure à avoir l’impression de se détendre mais est-ce que ça a été réparateur ? Franchement non, on a juste perdu 1 heure.
Alors, il n’est pas question de bannir tout ça mais se limiter plutôt. Se faire une plage horaire « glande » sur internet et non parce que ça me restaure mais parce que j’aime bien tout simplement.
Surtout que parfois nous aimons bien mais finalement, ça ne nous fait pas du bien. Je pense à ces personnes en consultation, qui m’expliquent qu’à voir toutes ces ami(e)s réussirent leur vie professionnelle, et poster leur réussite sur Linkedin ça leur mettait un coup au moral à chaque fois… C’est aussi vrai sur insta ou autre, nous voyons toutes ces personnes qui sont belles, heureuses, parfaites, on finit par croire que c’est réel, alors que clairement c’est de la mise en scène.
Pour les mails, c’est la même chose, limitez vos moments ou vous checkez vos mails. Instaurez-vous un cadre, toutes les demi-heures ou toutes les heures au travail et pas le week end par exemple. Comme vous voulez mais posez-vous un cadre.
Et puis arrêtez d’être toujours le nez dans le téléphone à chaque minute off, en attendant le bus, en mangeant le midi, dans une salle d’attente etc. A la place respirez, regardez autour de vous, profitez de l’ici et maintenant et là vous restaurez vos ressources. En mettant le off tout simplement.
Une autre chose à faire qui parait évidente mais sincèrement de nombreuses personnes ne le font pas ; il s’agit de prendre des pauses.
Au travail, en journée, le week end, faites des pauses. Certains sont obligés de programmer des rappels sur leur téléphone pour ne pas oublier de les faire! Cela peut paraitre fou d’en arriver là, mais au moins ils prennent soin d’eux en faisant ça. Et petite précision, pas la pause téléphone réseau sociaux, la pause ou on soulage son cerveau des sur-sollicitations, on va marcher jusqu’au toilettes, on s’étire, on respire, on discute de sujets sympas avec un collègue, bref une pause qui nous restaure.
Un autre point, évitez au maximum tout ce qui vous amène à faire du multitâche, vraiment, le multitâche fatigue notre corps. Essayez de remarquer ces moments où vous faites plusieurs choses en même temps et voyez comment agir sur ce point. Une chose à la fois, ça c’est important.
Et puis bien évidemment, demandez du soutien, à votre mari, vos enfants, vos collègues, déléguez ce que vous pouvez. Allégez sa charge mentale c’est moins avoir à penser. Tout ce que vous pouvez déléguer, déléguez le, tant pis si ce n’est pas fait à votre façon, s’il faudra prendre le temps d’expliquer comment la machine à laver fonctionne, prenez une fois le temps ou scotchez sur la machine à laver comment la faire marcher et ensuite déléguez pour de bon.
Au travail, si vous avez trop à faire trop à penser, parlez en à votre manager. Ne lui déposez pas le problème de but en blanc mais proposer lui des alternatives, d’autres manières de faire en lui expliquant que là ce n’est pas possible, pas juste pour vous parce que vous n’y arrivez pas mais parce que ça n’est pas efficace de faire comme ça.
Et enfin, rechargez vos batteries. Vous pouvez lire l’article ou écouter le podcast de Conversations de Psychologie sur la gestion du stress et utiliser les mêmes techniques pour rechargez vos batteries.
Pensez à votre hygiène de votre de vie globale pour avoir des moments ou vous vous ressourcez ; en journée faites des exercices de cohérence cardiaque pour vous obliger à respirer et calmer les tensions ou pour mieux dormir, nourrissez du lien social qui vous fait du bien ou vous allez passer un bon moment et rire avec vos amis. Faites de la marche, du sport, du dessin, de la musique bref une activité qui vous vide la tête.
En conclusion, réfléchissez à trouver l’équilibre d’où vous mettez d’un coté de la balance votre énergie, là ou vous investissez votre énergie dans la journée et de l’autre coté de la balance ce qui vous restaure physiquement, mentalement et émotionnellement.
Cherchez à cultiver cet équilibre par l’organisation sans oublier ces moments ou vous avez besoin de récupérer votre énergie ce n’est pas juste le soir à 20h00 mais plutôt des moments répartis dans la journée. Pas forcément longs, mais ajoutez des doses de moments ou vous restaurez votre énergie.
Mettez dans la balance des choses raisonnables, réalistes et faites des essais, ça ne marche pas c’est grave, essayez autre chose, on arrive rarement à réaliser les choses du 1er coup, c’est normal.
Tentez et vous verrez ensuite comment ajuster les choses.
Pour aller plus loin
- ALLAIN Gaël, Surchauffe mentale, Larousse
- SCHNEIDER Aurélia, La charge mentale des femmes et celles des hommes, Larousse
- Applications smartphone : Remember the milk, Google Agenda